La loi votée mardi par le Parlement somalilandais prévoit de lourdes sanctions dont 30 ans d’emprisonnement contre les auteurs ou complices de viols. Une grande première, au grand bonheur des femmes qui, jusqu’ici, sont victimes d’une infraction légalisée par les us et coutumes d’un Etat musulman très conservateur.
C’est un député Mahdi Buba qui a annoncé la nouvelle. “Cette loi est la plus utile jamais adoptée au Somaliland”, a déclaré à l’AFP le député.
En raison de la sensibilité du sujet, il aura fallu sept ans de discussions avant que la loi soit finalement adoptée lundi à Hargeisa, capitale de ce territoire ayant déclaré en 1991 son indépendance du reste de la Somalie, État défaillant dont il se distingue par sa stabilité.
Quarante-six des 51 députés présents à la chambre basse du Parlement ont voté en faveur du texte, qui devra être approuvé par la chambre des “Ainés” (chambre haute) puis signée par le président pour entrer en vigueur. Avec cette loi, un violeur sera sévèrement puni, avec une peine pouvant aller jusqu’à 30 ans de prison
« Une victoire pour les femmes »
“La tradition locale récompensait le violeur”, a souligné M. Buba, rappelant que la victime d’un viol est souvent forcée à épouser son agresseur, principalement en raison de pressions de la part des chefs coutumiers et de sa famille, qui souhaite éviter une humiliation publique et sait qu’il est quasi impossible de trouver un autre mari à une femme ayant été violée.
“Mais avec cette loi, un violeur sera sévèrement puni, avec une peine pouvant aller jusqu‘à 30 ans de prison”, a-t-il conclu.
La ministre somalilandaise des Affaires sociales Hinda Gani a de son côté salué une “victoire pour les femmes” : “C’est vraiment historique et j’espère vraiment que la chambre haute va l’adopter rapidement”.
Les juristes ayant milité pour cette loi se sont eux montrés plus prudents : “Il est trop tôt pour faire la fête, car la loi doit encore passer devant la chambre haute, et cette dernière est plus conservatrice que la chambre basse”, a déclaré à l’AFP Guled Ahmed Jama, qui s’attend à de longs débats à la chambre des “Ainés”.
Situé dans le nord de la Somalie, le Somaliland n’est officiellement reconnu par aucun pays et est toujours considéré par la communauté internationale comme partie intégrante de la Somalie.
Le Somaliland a élu en novembre un nouveau président, Muse Bihi. Les quelque 4 millions d’habitants de cette “République” semi-désertique, stratégiquement située sur le golfe d’Aden, espèrent que cette troisième élection démocratique depuis la déclaration d’indépendance renforcera leur quête de reconnaissance internationale.
Ancienne Somalie britannique, le Somaliland a fusionné avec l’ancienne Somalie italienne à l’indépendance du pays en 1960. Puis il a fait sécession et s’est proclamé indépendant en 1991, après la chute de l’autocrate Siad Barre.
Avec quelques années de retard sur le Somaliland, les autorités somaliennes planchent depuis 2014 sur un projet de loi punissant les crimes à caractère sexuel.