Oulan-Bator – La Mongolie qui élisait ce mercredi ses députés s’attendait à un raz-de-marée en faveur de l’opposition, d’après les premiers résultats partiels, dans un climat de défiance croissante des électeurs envers le personnel politique de cette jeune démocratie.
Le scrutin a été réduit à un duel entre le Parti démocrate (PD, au pouvoir) et le Parti du peuple mongol (PPM), principale formation d’opposition, sur fond de dégringolade de la croissance, passée d’un taux record de 17% en 2011 à 2,3% l’an dernier.
Quelques heures après la clôture des bureaux de vote à 22H00 (13H00 GMT), les résultats partiels donnaient le PPM grand vainqueur avec 63 provinces remportées sur 76. Les résultats complets doivent être annoncés jeudi.
Toutefois, ces premiers résultats, proclamés par la commission électorale, se basent sur un décompte électronique des votes, et ne seront confirmés qu’une fois les bulletins recomptés à la main.
Si les deux camps ont fait de nombreuses promesses de développement économique, ils ont été avares en propositions concrètes pour répondre aux principales préoccupations des électeurs, comme l’amélioration des systèmes d’éducation et de santé.
Malgré une faible participation à l’ouverture des bureaux, on comptait 70% de votants dans tout le pays, selon une chaîne de télévision mongole.
A l’extérieur de la capitale Oulan Bator, des camions transportant des urnes mobiles ont parcouru mercredi les steppes afin de recueillir les votes des personnes malades et âgées.
Les pasteurs et les autres électeurs ruraux se sont déplacés vers des yourtes aménagées en bureaux de vote, parfois au terme de plusieurs jours de marche.
Malgré les efforts des autorités pour permettre à l’ensemble de la population de voter, même dans les zones reculées, l’enthousiasme des électeurs de la jeune démocratie mongole s’est étiolé depuis la révolution de 1990, qui avait mis fin au joug soviétique.
A la veille du scrutin, des Mongols ont exprimé leur déception face à la mauvaise gouvernance et au ralentissement économique, beaucoup disant craindre une répétition des violences meurtrières de 2008 consécutives à des soupçons de fraude électorale.
En mai, la Cour constitutionnelle mongole a modifié le mode d’élection des 76 membres du Parlement, le “grand Oural”: de proportionnel, le scrutin est devenu majoritaire.
Une mesure qui réduit drastiquement les chances des formations politiques autres que le PD et le PPM, soupçonnés d’avoir agi de concert afin de se partager le pouvoir.
Le scepticisme visant la classe politique se fait de plus en plus sentir dans une Mongolie pourtant qualifiée d'”oasis de démocratie” début juin par le secrétaire d’Etat américain John Kerry.
“Les politiques gouvernementales font fausse route”, dénonce une électrice de la province de Dundgovi (centre-est), car “les plus cupides ont le pouvoir”.
“(Les politiques) doivent tenir toutes leurs promesses. Tant de choses sont à exiger”, a déploré Ganbaatareen Jargal, un ouvrier du BTP de 25 ans, lors d’un rassemblement électoral samedi près d’Oulan Bator.
Malgré des études d’ingénieur minier, il a assuré à l’AFP être contraint de travailler sur des chantiers en raison de l’échec du gouvernement à développer le secteur des ressources naturelles.
Le ralentissement de la croissance en Chine, de loin le premier partenaire commercial de la Mongolie, a entraîné une chute de la demande chinoise pour les matières premières mongoles — charbon et cuivre notamment.
Les désaccords de la classe politique sur la propriété et le prix des ressources ont également freiné leur exploitation.
Crédit photo: Johannes Eisele