Dossier: Comprendre l’autisme

Dans le cadre de la journée internationale de l’Autisme, le 02 avril de chaque année, il nous est apparu utile et urgent, voire nécessaire d’apporter des éléments de compréhension et des connaissances sur l’autisme. Dans le grand public et auprès d’une partie du monde médical, la méconnaissance subsiste. Pour les parents, la découverte est quotidienne. Les parents d’enfants autistes se sentent très seuls. Ce n’est pas un sujet dont on parle avec n’importe qui. La situation qu’ils vivent est déjà difficile en soi: elle peut encore s’accentuer quand s’ajoute l’incompréhension ou le rejet de leur entourage.  

 

Introduction

«Depuis 1938 notre attention a été attirée par un certain nombre d’enfants dont l’état diffère de façon si marquée et si distincte de tout ce qui a été décrit antérieurement que chaque cas mérite-et je l’espère, finira par recevoir-une considération détaillée de ses particularités fascinantes» Léo KANNER.

Ces mots inaugurent le fameux article princeps dans lequel Léo KANNER (1894-1981), psychiatre américain d’origine autrichienne, individualise, à partir de l’observation fine de onze enfants (huit garçons et trois filles, âgés de deux ans et demi à dix ans), un tableau clinique suffisamment typique pour être distingué des entités psychiatriques alors préexistantes : il définit le syndrome de l’«autisme infantile précoce», dénomination clinique adoptée par KANNER, en 1944.

Le terme “autisme” vient du grec “auto”, qui signifie « soi-même. »  Eugène BLEULER, un psychiatre suisse l’a utilisé pour la première fois, en 1911, pour désigner la perte du contact avec la réalité  extérieure. Le mot a fait son chemin dans le langage commun, et le langage commun  l’identifie  désormais dans tous les domaines (économie, politique, etc.), où l’on parle de comportement autistique pour qualifier une attitude qui ne tient pas compte de l’environnement, à l’image des personnes repliées sur elles-mêmes, pratiquement mutiques.

Mais l’autisme est bien autre chose. Simple en apparence lorsqu’on s’en tient aux définitions, le sujet devient très ardu quand on s’intéresse à la pensée autistique, à notre incapacité à la comprendre et aux impasses auxquelles elle peut conduire dans la vie courante. C’est la raison pour laquelle nous avons plus besoin d’éclaircissements et de compréhension que de conflits…

Lisons d’abord Temple Grandin et Jim Sinclair, deux adultes présentant de l’autisme, nous expliquer ce que signifie “vivre avec l’autisme”. L’autisme n’a jamais, en effet, été bien décrit que par ceux qui le vivent au quotidien.

“Etre autiste ne signifie pas être incapable d’apprendre mais cela signifie qu’il existe des différences dans la manière d’apprendre. Devez-vous vous souvenir de brancher vos yeux pour donner une signification à ce que vous voyez? Devez-vous trouver vos jambes avant de pouvoir marcher? Des enfants autistes peuvent naître sans savoir comment manger.(…)”(Jim Sinclair),1993).

“Bien que je pouvais comprendre chaque chose qu’une personne me disait, mes réponses étaient limitées. J’essayais, mais la plupart du temps aucun mot parlé ne venait. Les mots ne pouvaient pas sortir.(…).Mais mon cerveau est complètement visuel, et un travail spatial comme le dessin est facile. Si je dois me remémorer un concept abstrait, je vois la page du livre ou les notes dans mon esprit et j’y lis l’information (…)” (Temple Grandin, 1993).

Il est sans doute utile à ce stade  de notre article de préciser ce que l’on entend par autisme. Que disent les scientifiques de l’autisme? Comment le définissent-ils et quelles en sont les causes ou l’étiologie?

Définition de l’autisme:

Nous nous référons à la définition acceptée dans les milieux scientifiques internationaux, à savoir celle de la C.I.M-10 (Classification Internationale des Maladies,10 ème édition).

L’autisme est un trouble global du développement qui se caractérise par;

-Un début précoce, avant l’âge de 3 ans

-Des troubles des interactions sociales

-Des troubles de la communication verbale et non-verbale

-Des intérêts et des comportements réduits et non-fonctionnels.

 

Ce syndrome fait partie des Troubles Envahissants du Développement (T.E.D)

Comme on le voit, il s’agit d’une définition clinique qui ne préjuge en rien de l’étiologie et de l’évolution du trouble. Explicitons toutefois les éléments de cette définition. De quoi s’agit-il?

 

A. De l’altération qualitative des interactions sociales;

C’est le cas, par exemple de D. qui croisant une personne âgée sur le trajet du marché, tape sur l’épaule de l’inconnu et dit “bonjour” papy! “.  Ou encore M. qui donne des coups de pieds aux personnes qu’elle ne connaît pas, tout en se mordant la main.

B. De l’altération qualitative de la communication;

Ainsi, lors de son arrivée à son école, formulait des phrases stéréotypées, mécaniques: “Bonjour, comment tu  t’appelles?, t’es content?” plusieurs fois aux mêmes personnes et sans que le contexte soit adéquat. Ou encore J. fillette non-verbale, qui ne présentant pas d’expression faciale mobile mais un sourire figé avec un regard fuyant et une absence de réactions physiques aux consignes.

 

C. Du caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des activités.

Ainsi. dans la cour. si cet enfant n’est pas encouragé par les adultes, il n’ira pas vers ses camarades ou les divers jeux à sa disposition (balançoires, toboggan, vélo…) mais remue sans cesse un ruban ou du bois en longeant les allées de pas en pas…

La présence, ensemble, de ces trois critères, habituellement dès la naissance et de façon certaine avant le 36 ème mois peut conduire à un diagnostic précoce de trouble envahissant du développement, voire du spectre autistique.

A titre indicatif, la fréquence de l’autisme dans la population est de 2 à 5 cas pour 10.000 et est 4 à 5 fois plus élevée chez les garçons que chez les filles . Notez que toutes les personnes autistes n’ont pas les compétences de Jim Sinclair et de Temple Grandin. Seulement, 25 des personnes autistes semblent avoir un niveau correspondant à leur âge. Les autres présentent un retard mental.

 

Quelles sont les causes ou l’étiologie de l’autisme?

On ne connaît pas aujourd’hui de cause unique à l’autisme, pas plus qu’on ne peut l’identifier sur base d’un marqueur biologique ou génétique. Mais ce que l’on sait déjà, c’est que l’autisme est l’expression comportementale d’un trouble neurologique lié à des anomalies cérébrales. Les causes de ces anomalies cérébrales sont de différents ordres. D’une part, certains cas d’autisme sont associés à un problème génétique, comme le”X-fragile”; d’autres cas sont liés à des problèmes cérébraux particuliers associés à des maladies spécifiques; enfin le trouble autistique pourrait être provoqué par une lésion cérébrale survenue durant la grossesse, pendant l’accouchement ou la période post-natale.

Le diagnostic de l’autisme se base sur des tests d’observations multidisciplinaires. Il est cependant utile de savoir-car beaucoup d’idées fausses sont encore répandues dans le public- qu’à l’heure actuelle, plus aucun scientifique ne considère que l’autisme est dû à un trouble de la relation précoce de l’enfant avec ses parents, et en particulier avec sa mère. Pas plus que ce n’est un problème de “sorcellerie” pour nous au Congo, voire en Afrique noire.

Les dernières recherches tendent à attribuer à l’autisme une composante génétique, peut-être influencée par certains facteurs environnementaux. Certains affirment, nombreuses études à l’appui qu’en quelques décennies, les cas d’autisme se sont multipliées de façon exponentielle. Une véritable épidémie liée aux substances toxiques présentes dans l’environnement, principalement les métaux lourds. D’autres plus prudents, estiment que cette apparente augmentation est surtout la conséquence d’un meilleur dépistage et d’un élargissement des critères de diagnostic.

 

Une grande méconnaissance.

Il y a encore aujourd’hui une grande méconnaissance de l’autisme, même chez les professionnels de la santé. Une partie du corps médical peine à sortir d’une vision restrictive et dépassée de l’autisme. Face à des professionnels qui reconnaissent que leur “patient”  est “un peu spécial” ou qu’il manifeste des retards de développement, les parents sont tout sauf rassurés. L’absence d’un diagnostic clair plonge dans un désarroi et retarde parfois de plusieurs années la mise en place d’une intervention adéquate. Même s’il soulage, le diagnostic est un moment difficile à vivre. Parfois, certains parents préfèrent ne pas en informer l’entourage.

 

La méconnaissance générale renforce aussi l’exclusion qui stigmatise les personnes autistes. Les problèmes relationnels ou les troubles du comportement qu’elles manifestent peuvent être fréquemment  assimilés à un manque d’éducation, à de la mauvaise volonté ou à de la paresse.

 

Derrière l’étiquette, il y a une personne…

Moment difficile, le diagnostic est aussi la première étape d’un long périple qui ne s’arrête jamais. Une fois que l’on sait, qu’est-ce que l’on fait? Il faut mettre en place une structure éducative à la maison, trouver une crèche, une école maternelle, une école primaire ou un centre spécialisé. Chez nous, au Congo, nous en sommes à des balbutiements. Les enfants sont pris en charge dans des “carrefours pédago-thérapeutiques”(plusieurs types de handicaps).

Nous aimerions le dire. On ne guérit pas un enfant qui présente de l’autisme, on l’aide à mieux vivre avec ses particularités, le spectre du handicap étant tellement large.

 

Conclusion

L’autisme est un drame pour tous les parents, qui tremblent de savoir leur enfant atteint de cette affection, dont ils savent qu’elle va limiter, restreindre les potentialités de sa vie. Les recherches tentent d’en atténuer et d’en réduire les conséquences. Pour y parvenir, il faut:

– un diagnostic précoce

– un suivi lui aussi précoce, utilisant tous les moyens existants, sans exclusive, en donnant la priorité à ceux qui sont les mieux adaptés au cas précis de chaque enfant;

– l’adaptation, lorsque c’est possible, et que l’on est sûr de ne pas faire souffrir l’enfant en lui adressant des exigences disproportionnées, au milieu  le plus proche possible de la normale: école, groupes, sport, avec, en corollaire une éducation à l’acceptation de l’autre différent de soi dans les écoles (c’est un objectif très difficile à atteindre, malgré les bons sentiments)-l’information et la formation du personnel d’accueil est à envisager.

Nous, personnels, pédago-thérapeutiques, ne sommes pas des théoriciens (sinon nous aurions choisi d’être philosophes ou politiciens….).Nous sommes des pragmatiques, et nous savons que chaque cas est particulier. Cela veut dire que, lorsque nous voyons un jeune enfant autiste, nous tentons de l’aider, et d’aider sa famille, à aller mieux, de la manière la plus durable possible, avec des moyens qui lui sont applicables à lui, ici et maintenant. Car, les parents de ces enfants se posent chaque jour des  nombreuses questions dont ils ne connaissent pas les réponses. Fait-on bien ce qu’il faut faire? Qu’en sera  t’ il de son avenir? Alors que l’enfant a les deux pieds bien ancrés dans le présent le plus immédiat.

 

Marie- Joseph LOKO

Thérapeute du langage oral et écrit

Orthophoniste                                                     

Clinique Médicale Optique

C.M.O-Brazzaville (Près de la Tour Nabemba)

 

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