Lima – Après trois échecs douloureux, Paris va décrocher mercredi l’organisation des jeux Olympiques 2024 grâce à un dossier calibré pour combler les attentes du CIO, ainsi qu’un timing et un enchaînement de circonstances hyper-favorables.
Présenté comme un geste chevaleresque, le renoncement de Los Angeles à briguer 2024 pour accepter 2028 n’est en réalité, selon les observateurs, qu’un acte de résignation. “il n’y avait aucun élément objectif, aucun argument rationnel pour donner les Jeux 2024 à L.A. Paris était favori”, croit Etienne Thobois, directeur général de la candidature. Un avis majoritairement répandu au sein du CIO. Car de ses cuisantes défaites pour 1992, 2008 et surtout 2012 face à Londres, le mouvement sportif français a retenu la principale leçon: ce serait à lui, à l’avenir, de porter une éventuelle candidature et de convaincre les politiques d’abandonner le pilotage. Bernard Lapasset, président de World Rugby, en fut le premier patron. Derrière se sont agrégés le triple champion olympique de canoë Tony Estanguet – son alter ego à la tête de la candidature -, puis Teddy Riner, Marie-José Pérec et autres héros de l’imagerie sportive nationale.
En fin tacticien, Lapasset a su convaincre ministres, chefs d’Etat, présidents de région et enfin la maire de Paris, Anne Hidalgo, de faire profil bas. “Nous avons apporté des garanties de sérieux et surtout, nous avons montré l’importance des sportifs dans la candidature. Même le président Hollande a accepté de s’effacer derrière eux”, se réjouissait-t-il, fin 2016 dans un entretien à l’AFP, brandissant une photo de 2005 où figuraient les leaders très politiques de la candidature de l’époque: Bertrand Delanoë, le maire, Jean-Paul Huchon, le président de région, Jacques Chirac, le chef de l’Etat, et Jean-François Lamour, ancien champion mais néanmoins ministre des Sports.
Mais une fois les sportifs aux commandes, encore fallait-il présenter un dossier au moins aussi bon que celui qui, il y a douze ans, avait suscité, de la part du CIO, plus de louanges que celui de Londres-2012.
Pour ce faire, l’équipe parisienne a collé aux recommandations de l’Agenda 2020, paquet de mesures présenté par Thomas Bach fin 2014, un an après son élection à la tête de l’institution. Au menu: compression des coûts grâce au recours prioritaire aux infrastructures existantes et surtout à l’adéquation du projet avec les besoins du territoire.
A l’arrivée, Paris s’enorgueillit de n’avoir rien de pérenne à bâtir, hormis une piscine promise depuis le début des années 2000, et un village des athlètes qui sera reconverti en logements dans une zone, la Seine-Saint-Denis, qui en manque cruellement et qui bénéficiera de la dynamique olympique. Le tout pour un budget inférieur à 7 mds d’euros, largement en-deçà des dernières éditions comparables (11 mds pour Londres).
Aux infrastructures existantes (Stade de France, nouveau Roland-Garros, Bercy, Parc des Princes, Jean-Bouin, Arena-92) et aux constructions temporaires, s’ajouteront les “monuments iconiques de Paris qui formeront un centre de vie très fort”, saluait Patrick Baumann, président de la commission d’évaluation missionnée par le CIO, en mai. Le Champ de Mars, le Trocadéro, les Invalides et le Grand Palais deviendront, le temps d’une quinzaine, sites olympiques dans un espace relativement compact, plus de 80% des zones de compétition étant situés dans un rayon de 10 km autour du village.
Mais un bon dossier et une équipe à la hauteur ne garantissent pas le succès. Au-delà de ses atouts propres, Paris a bénéficié tout au long de sa campagne, entamée en 2015, d’une série de circonstances extérieures qui ont servi ses desseins.
D’abord, le calendrier incluant à la fois la tacite mais vivace règle de l’alternance des continents et la cruciale équation des droits TV, était favorable à Paris: après Rio-2016 et Tokyo-2020, il était logique que les Jeux reviennent en Europe. De même, les échéances de renégociation des contrats avec les diffuseurs laissaient clairement apparaître que l’option Jeux européens en 2024/américains en 2028 était de loin la meilleure option financière pour le CIO.
Parallèlement, après des campagnes hyper-concurrentielles pour 2012, 2016 et 2020, Paris a vu ses opposants jeter le gant les uns après les autres: Boston – remplacé par Los Angeles -, Hambourg, Rome, puis enfin Budapest, laissant Paris et LA face à face et le CIO confronté à un énorme dilemme: Comment éliminer l’un de ces deux finalistes de poids sans fâcher à jamais les Etats-Unis ou la France?
L’antériorité de la candidature parisienne, l’adéquation de son projet avec l’année 2024 – quand celui de LA est transposable quatre ans plus tard – la détermination de son équipe et la perspective de célébrer à Paris les premiers Jeux depuis … 1924, soit tout juste 100 ans, ont finalement emporté le morceau. Le CIO n’a eu qu’à faire preuve d’inventivité pour présenter sa fameuse solution “gagnant-gagnant”, qui offrira également ceux de 2028 à Los Angeles.
Crédit photo : Martin Bernetti