Ankara – Le Parti républicain du peuple (CHP), principale formation d’opposition en Turquie, a désigné l’un de ses plus féroces orateurs en la personne du député Muharrem Ince comme candidat à l’élection présidentielle anticipée de juin pour porter le fer contre Recep Tayyip Erdogan.
“Avec la permission de Dieu et la volonté de la nation, je serai élu président le 24 juin“, a lancé lors d’une cérémonie à Ankara M. Ince, un poids lourd du CHP qui s’est imposé comme l’un des plus véhéments critiques de M. Erdogan.
Mais cet ancien professeur de physique et chimie aura fort à faire pour renverser le président Erdogan, un animal politique qui règne sans partage sur la scène politique turque depuis 15 ans et entend asseoir davantage son pouvoir le 24 juin.
Le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, avait annoncé le mois dernier qu’il ne serait pas candidat à l’élection présidentielle convoquée par M. Erdogan, lequel aura tout fait pour pousser cet homme d’appareil qui ne l’a jamais personnellement affronté à lui faire face.
Peu avant l’annonce officielle de sa candidature, M. Ince, âgé de 54 ans, avait posté sur Twitter une photo le montrant avec son épouse et leurs deux enfants. “Nous sommes prêts“, disait-il.
Avec ce choix, le CHP entend combattre M. Erdogan sur un terrain qu’il affectionne et qui contribue largement à sa popularité en Turquie : celui de la joute oratoire.
M. Ince est en effet réputé pour son style enflammé et sa combativité. Il s’est imposé, à coups de discours passionnés et de piques bien senties, comme l’un des plus féroces critiques de M. Erdogan.
Dans l’une de ses allocutions les plus célèbres, il affirmait que s’il était un jour élu chef de l’Etat, il se débarrasserait du palais présidentiel aux proportions pharaoniques que M. Erdogan s’est fait construire à Ankara.
Ce député de Yalova (nord-ouest) est aussi l’un des principaux rivaux en interne du chef du CHP, qu’il a vivement critiqué après des revers électoraux. Muharrem Ince s’est présenté à deux reprises, en 2014 et 2018, face à Kemal Kiliçdaroglu pour prendre la tête du parti.
Il a aussi critiqué le choix de M. Kiliçdaroglu de soutenir en 2016 la levée de l’immunité parlementaire qui a ouvert la voie à plusieurs procès contre des élus prokurdes accusés par M. Erdogan de liens avec le “terrorisme“.
“Campagne dure et inéquitable“
Si les principaux partis d’opposition ont décidé de présenter chacun leur candidat à la présidentielle, le CHP s’alliera, selon la presse, à trois formations pour les législatives.
Mme Aksener, présidente du tout jeune Bon parti (droite) et souvent présentée comme une opposante sérieuse à M. Erdogan, a lancé vendredi à Istanbul la collecte des 100.000 signatures qui lui permettront d’être officiellement candidate à la présidentielle.
M. Erdogan doit tenir son premier meeting de campagne dimanche à Istanbul.
Le Parti démocratique des peuples (HDP) a pour sa part organisé deux rassemblements, à Istanbul et à Diyarbakir, dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, pour officialiser la candidature de M. Demirtas, son charismatique ex-chef détenu depuis novembre 2016.
“J’ai beau être détenu en otage dans une cellule, je crois pouvoir remplir cette difficile mission“, a affirmé M. Demirtas dans un message lu en son nom lors des rassemblements. Il a dit s’attendre à “une campagne dure et inéquitable“.
“Selahattin Demirtas ne courbe pas l’échine et poursuit sa route !“, a lancé le co-président du HDP Sezai Temelli lors du rassemblement à Istanbul, dans un petit parc du district de Besiktas tandis que plusieurs centaines de sympathisants massés épaule contre épaule scandaient “Selo (surnom affectueux de M. Demirtas), président !”
M. Demirtas “a touché les jeunes, les ouvriers, les femmes, les Kurdes, et au-delà“, a affirmé à l’AFP la députée du HDP Filiz Kerestecioglu lors du meeting à Istanbul. “Avant d’être injustement emprisonné, (il) a noué un lien avec le peuple qui tient toujours“.