Harare – L’armée a pris position ce mercredi dans les rues de la capitale du Zimbabwe, Harare, lors d’une opération destinée, selon elle, à éliminer des “criminels” de l’entourage du président Robert Mugabe, qui règne d’une main de fer sur le pays depuis 1980.
Des véhicules blindés barraient dans la matinée les accès au Parlement, au siège du parti au pouvoir, la Zanu-PF, et aux bureaux dans lesquels le chef de l’Etat réunit généralement ses ministres, a constaté un journaliste de l’AFP.
Quelques heures plus tôt, un officier supérieur a annoncé à la télévision nationale que l’armée était intervenue contre des “criminels” de l’entourage de M. Mugabe, mais démenti toute tentative de coup d’Etat.
“Il ne s’agit pas d’une tentative de renverser le gouvernement“, a assuré dans la nuit le général Sibusiso Moyo, ici, en photo.
“Nous ne faisons que viser les criminels qui entourent” le chef de l’Etat, a-t-il poursuivi en lisant une déclaration, “dès que notre mission sera accomplie, nous nous attendons à ce que la situation retourne à la normale“.
“Nous assurons à la Nation que son Excellence le président (…) et sa famille sont sains et saufs et que leur sécurité est garantie“, a-t-il également ajouté.
Des échanges de tirs nourris ont été entendus dans la nuit de mardi à mercredi près de la résidence privée de Robert Mugabe dans la capitale Harare, a rapporté sous couvert d’anonymat à l’AFP un témoin, résident dans le quartier de Borrowdale.
“Peu après 02H00 du matin (00H00 GMT), nous avons entendu environ 30 à 40 coups de feu tirés pendant trois à quatre minutes en provenance de sa maison“, a-t-il affirmé.
Aucune information confirmée n’a été donnée mercredi matin sur la situation du chef de l’Etat.
Dans un communiqué publié tard mardi soir, l’ambassade des Etats-Unis au Zimbabwe avait recommandé à ses ressortissants de rester chez eux “à l’abri” en raison des “incertitudes politiques“.
Après plusieurs jours de très vives tensions, l’opération de l’armée, jusque-là considérée comme un pilier du régime, constitue un défi à l’autorité de Robert Mugabe, à 93 ans le plus vieux dirigeant en exercice de la planète.
Lundi, le chef d’état-major, le général Constantino Chiwenga a publiquement dénoncé lundi la décision du chef de l’Etat de limoger le vice-président Mnangagwa.
L’armée pourrait “intervenir” si cette “purge” ne cessait pas au sein du parti présidentiel, avait-il mis en garde.
Le parti du président a accusé en retour mardi le militaire de “conduite relevant de la trahison” et dénoncé sa volonté de “perturber la paix nationale” et “d’encourager au soulèvement“.
L’irruption de l’armée sur la scène politique zimbabwéenne, a fortioti contre M. Mugabe, est inédite.
Le général Chiwenga et M. Mnangagwa, qui entretient des liens étroits avec l’appareil sécuritaire du pays, ont tous deux été des figures majeures de la lutte pour l’indépendance du Zimbabwe, au côté de l’actuel chef de l’Etat.
“Le silence du gouvernement après les déploiements militaires tend à confirmer que le président Mugabe a perdu le contrôle de la situation“, a estimé Robert Besseling, analyste à la firme britannique EXX Africa risk consultancy.
L’ancien vice-président Mnangagwa, 75 ans, a été démis de ses fonctions et a fui le pays, après un bras de fer avec la Première dame, Grace Mugabe, 52 ans.
Il a accusé la deuxième épouse du président d’avoir tenté de l’empoisonner pour l’éliminer, suscitant une vive réaction de l’intéressée qui a obtenu son éviction, comme elle s’était déjà débarrassée il y a trois ans de la vice-présidente Joyce Mujuru.
Figure controversée, connue pour ses accès de colère, Mme Mugabe, qui dirige la puissante Ligue des femmes de la Zanu-PF, compte de nombreux opposants au sein du parti au pouvoir et du gouvernement.
Avec le limogeage de M. Mnangagwa, Grace Mugabe s’est retrouvée en position idéale pour succéder à son époux.
A la tête depuis 37 ans d’un régime autoritaire et répressif, Mugabe a été investi par la Zanu-PF pour la présidentielle de 2018, malgré son grand âge et sa santé fragile.
Sous son régime, le Zimbabwe s’est considérablement appauvri et traverse une grave crise économique et financière, marquée par un chômage de masse et le retour d’une forte inflation.